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Le livre commence par la fin : son départ de Matignon, le 9 janvier, alors qu’elle vient de faire voter avec succès la loi sur l’immigration. « Le pire est derrière moi », croit Elisabeth Borne, fin 2023, persuadée qu’elle poursuivra sa « mission » jusqu’aux élections européennes de juin. Le 31 décembre, lors de ses vœux télévisés, Emmanuel Macron « remercie » sa première ministre. Une attention inhabituelle qui inquiète l’intéressée, plutôt que de la rassurer.
En début d’année, elle voit plusieurs fois le président, qui ne lui signifie jamais clairement qu’il a l’intention de la remplacer. Le 3 janvier, ils échangent même sur l’idée d’un nouveau gouvernement resserré, qu’elle continuerait à diriger. Le 7 janvier, M. Macron lui annonce en souriant qu’il va finalement nommer quelqu’un à sa place. « Je suis sous le choc, écrit-elle. Je ressens un fort sentiment d’inachevé. »
Dans Vingt mois à Matignon (Flammarion, 236 pages, 21,50 euros), en librairie mercredi 23 octobre, Elisabeth Borne raconte son expérience du pouvoir, qui s’apparente parfois à un véritable chemin de croix, de l’abrasive réforme des retraites au projet de loi sur l’immigration, voté aux forceps et applaudi par Marine Le Pen, en passant par la mort du jeune Nahel, tué en juin 2023 par un policier, qui met le feu aux quartiers. Nommée quelques semaines avant les législatives de juin 2022 qui allaient la priver de 40 voix, elle est contrainte de trouver des majorités sur chaque texte et vit mal d’être appelée « Mme 49.3 » – « alors que je l’ai moins utilisé que Michel Rocard » –, tout comme elle réfute sa réputation de « raideur » et de « dureté ».
En creux, Elisabeth Borne dessine le portrait d’un président duplice et indécis, jamais vraiment clair sur ces intentions, darwinien. « Comme tout le gouvernement, je ne sais pas si je vais passer l’été à mon poste », s’interroge-t-elle au printemps 2023. « Trois mois de vrai faux sursis humainement pénibles, mais aussi contre-productifs, alors qu’il fallait engager la préparation des budgets pour l’année suivante et lancer les réformes à venir », s’agace-t-elle.
En 2022, alors qu’il vient d’être réélu pour un second mandat, le président de la République lui assure qu’il entend « prendre davantage de hauteur et de recul », ce qu’il ne fera pas. Borne sait aussi qu’elle est un « plan B », le chef de l’Etat ayant d’abord souhaité nommer Catherine Vautrin, issue de la droite : « J’aurais pu espérer mieux pour asseoir ma légitimité ! » M. Macron l’incite à demander un vote de confiance à l’Assemblée nationale – « tes prédécesseurs l’ont fait, ce serait élégant que tu le fasses » –, alors que l’absence de majorité rend ce vote hautement risqué : « Ce serait peut-être élégant, mais surtout suicidaire. » Le président de la République la somme aussi de trouver une impossible coalition : « J’espère qu’elle y parviendra », prévient-il, alors qu’il sait très bien qu’elle ne le peut pas. Plusieurs fois, elle songe à démissionner.
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